MÉMOIRE DU GROUPE D’ÉTUDE CANADIEN SUR LA FINANCE SOCIALE ET GÉNÉRATION DE L’INNOVATION SOCIALE (GIS)

Sommaire

Le Groupe d’étude canadien sur la finance sociale et Génération de l’innovation sociale (GIS) sont déterminés à assurer le développement des entreprises sociales et des marchés financiers qui les soutiennent[1]. Les difficultés financières et sociétales ont convergé pour donner à l’entreprise sociale un rôle vital et créer un effet social et économique grâce à un modèle d’entreprise financièrement autonome. Les entreprises sociales constituent une partie vitale et dynamique du tissu des organismes novateurs qui répondent aux besoins communautaires et font augmenter le nombre des emplois durables. Leur incidence est déjà importante au Canada : les entreprises sociales sont une partie en croissance rapide du secteur de l’intérêt public dont les recettes dépassent les 200 milliards de dollars. Il est estimé que l’activité de l’entreprise sociale croîtra de plus de 10 % par année au moins jusqu’en 2014[2].

Les fonds que versent gouvernement et sur le secteur communautaire pour répondre aux besoins sociaux en évolution -- pendant que les entreprises veulent réaliser des gains financiers -- ne créent pas un impact suffisant parce que les problèmes sociaux sont de plus en plus complexes. Les solutions exigent au contraire de nouvelles formes de collaboration et des partenariats multisectoriels. Les entreprises sociales joueront un rôle central pour créer le nouveau paysage de service public qui encourage la collaboration entre les secteurs public, privé et sans but lucratif.

Le gouvernement peut à lui seul stimuler la mobilisation du capital privé au service de l’entreprise sociale là où des lacunes existent actuellement :

·         Il y a peu de mesures d’encouragement ou de soutiens en capital pour permettre d’établir une infrastructure intermédiaire robuste et stimuler l’investissement du capital privé

·         Le cadre législatif et réglementaire désuet pour l’entreprise sociale (un secteur incluant les entreprises de bienfaisance et sans but lucratif, ainsi que des initiatives sociales à but lucratif) l’empêche d’établir des approches durables, basées sur le marché, tout en protégeant les objectifs en matière d’intérêt public et en continuant de rendre des comptes à cet égard.

Pour surmonter ces obstacles, le Groupe d’étude canadien sur la finance sociale fait trois recommandations au Comité permanent des finances :

I.    Mobiliser les capitaux

Le gouvernement fédéral doit stimuler la formation d’un marché financier en établissant des partenariats avec les établissements financiers dans le but de créer des fonds d’investissement ayant des répercussions nationales et régionales au service des entreprises sociales.

II.   Favoriser l’investissement privé en instaurant des mesures d’encouragement fiscal

Le gouvernement fédéral doit établir des mesures d’encouragement ciblées pour accélérer l’investissement de capitaux dans le secteur de l’entreprise sociale; un groupe de travail multisectoriel faisant intervenir le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux et les secteurs d’entreprise financier et social devraient travailler ensemble pour élaborer des propositions précises.

III.  Moderniser le cadre législatif et réglementaire

Le ministère des Finances doit a) moderniser les règlements de l’ARC empêchant les organismes de bienfaisance et sans but lucratif d’établir des entreprises sociales internes et autonomes (p. ex. test de destination), et b) assurer que les besoins en évolution des entreprises sociales sont satisfaits en créant un cadre législatif au palier fédéral (p. ex. les sociétés à but lucratif).

La mise en œuvre de ces recommandations aurait pour résultat ce qui suit :

·         Que le secteur de l’entreprise sociale se développe de façon plus rapide, efficace et efficiente;

·         Que l’énergie dégagée par le milieu en expansion des entrepreneurs sociaux soit harnachée;

·         Que les communautés et les investisseurs individuels aient plus de façons d’investir pour répondre aux besoins communautaires;

·         Que les marchés financiers deviennent une source importante de capital pour les entreprises sociales.

Les possibilités qui se présentent pour l’entreprise sociale et la finance sociale

Entreprise sociale : des organismes de bienfaisance ou sans but lucratif qui produisent des recettes ou des initiatives sociales agissant comme des entreprises qui se fondent sur la production axée sur le marché et la vente des produits ou des services ou des deux pour poursuivre une mission d’intérêt public et dont les surplus sont réinvestis (en tout ou en partie) aux fins de l’entreprise ou dans la collectivité plutôt que d’être axée sur le besoin de maximiser le profit de leurs actionnaires.

Finance sociale : placer activement des capitaux dans des entreprises et des fonds qui sont bénéfiques sur le plan social ou environnemental et (au minimum) produisent un capital nominal à l’investisseur.

Le temps n’a jamais été plus propice pour l’entreprise sociale au Canada.

L’étude de Boston Consulting Group (BCG) sur le secteur des conséquences sociales au Canada (c.-à-d. les entreprises de bienfaisance, les organismes sans but lucratif qui produisent des recettes et les entreprises sociales) calcule que le marché dépasse les 200 milliards de dollars. Il est important de souligner que 35 % de ces entités étaient engagées dans des activités commerciales dans l’intérêt public. Le nombre d’organismes sans but lucratif augmente régulièrement et BCG estime de façon prudente leur croissance à 10 % par année.

Du côté de l’offre de capital, les actifs de la finance sociale gérés au Canada totalisent 2,7 milliards de dollars[3], mais des réserves de capital privé non exploitées en marge du marché attendent des possibilités d’investissement qui produisent un rendement social et environnemental. De nouvelles approches sont nécessaires pour optimiser le capital privé et rehausser de façon efficace la résilience financière du secteur sans but lucratif et réduire sa dépendance des dons et des subventions.

Malgré la croissance florissante et la sensibilisation à la finance sociale et à l’entreprise sociale, le secteur ne dispose pas de la réglementation habilitante ni de l’infrastructure nécessaires pour leur permettre d’atteindre leur plein potentiel. La voie de l’avenir est bien documentée dans une recherche abondante menée par divers groupes de réflexion, associations et initiatives[4], y compris Imagine Canada, le Forum des politiques publiques, le Réseau canadien de développement économique de la société, le Mowat Centre for Policy Innovation, le Tri-Ministerial Partnership Project (Ontario) et le Groupe d’étude canadien sur la finance sociale[5]

En outre, le Canada peut profiter de l’expérience d’autres gouvernements qui ont développé davantage leur secteur de l’entreprise sociale, principalement le Royaume-Uni[6] et les États-Unis.

À un échelon macroéconomique, l’entreprise sociale jette un pont entre les milieux à but lucratif et sans but lucratif, tout en hiérarchisant les solutions qui apportent un bénéfice public tangible. L’entreprise sociale peut jouer un rôle important pour aider à accroître la productivité et la compétitivité d’une entreprise, tout en participant davantage au développement et à la durabilité économique à l’échelle communautaire.

De la même façon que nos pères fondateurs ont permis la construction d’une infrastructure nationale vitale, comme le chemin de fer transcanadien qui a unifié le pays, aujourd’hui, le Parlement peut assurer que l’infrastructure naissante au service des entreprises sociales se développe de sorte que le secteur de l’entreprise sociale puisse devenir un facteur clé pour renforcer le tissu social et économique des collectivité d’un océan à l’autre.

Obstacles actuels qui empêchent de profiter des possibilités qui se présentent

Les fonctions relatives à la demande, à l’offre et à la réglementation du marché de la finance sociale doivent être en pleine activité pour maximiser les rouages du marché. Les autres obstacles largement considérés comme des points sensibles nuisant au secteur sont :

·         Un manque de compréhension et de sensibilisation communes relativement à l’entreprise sociale;

·         Une capacité sous-développée de mesurer les répercussions et la valeur ajoutée de l’entreprise sociale, diminuée par le manque de normalisation;

·         Une infrastructure de marché fragmentée, sous-développée et isolée;

·         La disponibilité limitée et la difficulté d’accès aux réserves de capital appropriées.

Recommandations en matière de politique financière pour mettre à profit les possibilités qui se présentent

Le Groupe d’étude canadien sur la finance sociale s’est réuni en 2010 pour déterminer la façon de mieux catalyser la création d’un marché financier servant l’entreprise sociale. Il a recommandé sept mesures clés que le Canada doit prendre, parallèle, pour mobiliser de nouvelles sources de capital, créer un impôt et un environnement réglementaire favorables et bâtir un lien avec les entreprises sociales prêtes à l’investissement. Il est reconnu que le gouvernement a un rôle vital à jouer pour encourager la mobilisation des participants du secteur privé dans la création de nouveaux instruments de financement et de structures pour l’établissement du nouveau marché de la finance sociale. Un sommaire des recommandations du Groupe d’étude et des progrès réalisés jusqu’à présent est présenté à la page 5.

Le Groupe d’étude canadien sur la finance sociale fait trois recommandations prioritaires relativement à la mobilisation du capital privé et à la création d’un cadre législatif et réglementaire de l’entreprise sociale :

I.    Mobiliser les capitaux

Le gouvernement fédéral doit stimuler la formation d’un marché financier en établissant des partenariats avec les établissements financiers dans le but de créer des fonds d’investissement ayant des répercussions nationales et régionales au service des entreprises sociales.

Répercussions sur les coûts : Un montant 100 millions de dollars (20 millions de dollars par année pendant cinq ans), conditionnel à un fonds de contrepartie provenant du secteur privé

II.   Favoriser l’investissement privé en instaurant des mesures d’encouragement fiscal

La création de mesures d’encouragement pour accélérer la création d’un marché financier privé au service des entreprises sociales.

Répercussions sur les coûts : Les dépenses fiscales doivent être déterminées en fonction des résultats d’un groupe de travail multisectoriel sur l’impôt faisant intervenir les gouvernements (fédéral/provinciaux/territoriaux), le secteur financier et le secteur de l’entreprise sociale

III.  Moderniser le cadre législatif et réglementaire

Le ministère des Finances doit a) moderniser les règlements de l’ARC empêchant les organismes de bienfaisance et sans but lucratif d’établir des entreprises sociales internes et autonomes (p. ex. test de destination), et b) assurer que les besoins en évolution des entreprises sociales sont satisfaits en créant un cadre législatif au palier fédéral (p. ex. les sociétés à but lucratif).

Répercussions sur les coûts : aucun coût ne serait rattaché à la législation et une augmentation des bénéfices économiques serait attendue grâce à l’augmentation de l’emploi des populations vulnérables et à la réduction des pressions sur les services sociaux.

Aller de l’avant

Le gouvernement doit faire en sorte que le développement économique fasse partie intégrante de son programme économique et social[7] et il a reconnu que ses buts soutiennent le développement économique communautaire, encouragent le recours à de nouvelles façons d’apporter au public des bénéfices sociaux et habilitent les collectivités en leur donnant les outils nécessaires pour aplanir les difficultés à l’échelle locale.

Relativement aux recommandations, le gouvernement doit travailler avec les principaux établissements qui ont effectué la recherche pertinente et qui ont établi des groupes de travail intergouvernementaux et interministériels chargés d’explorer les options viables pour chacune des options recommandées. Grâce à cet engagement et aux mesures positives subséquentes, le gouvernement permettra aux collectivités locales d’être plus actives et efficaces pour répondre aux besoins locaux.

Groupe d’étude canadien sur la finance sociale - Le point sur les progrès réalisés (août 2011)

Question de développement

Recommandation

Public visé

Progrès réalisés jusqu’à présent

Rec. 1 Investissements axés sur la mission

Les fondations canadiennes publiques et privées devraient investir, d’ici 2020, au moins 10 % de leurs capitaux en investissements axés sur la mission

Fondations

Les fondations publiques et les fondations caritatives du Canada ont bien accueilli le rapport et l’activité des investissements axés sur la mission est en croissance (p. ex. Hamilton, Vancouver, Bealight, etc.

Rec. 2 Fonds d’investissement d’impact

Créer un fonds national pour appuyer les fonds régionaux et des fonds régionaux là où ils n’existent pas

Administration fédérale

Établissements financiers

Social Investment Organization a effectué une étude de faisabilité d’un fonds ou de plusieurs fonds et consulte les intervenants en vue d’établir le fonds

MaRS a élaboré un plan pour établir un fonds régional de placement à risque social

L’Association des coopératives du Canada a proposé un fonds national de développement coopératif financé par les caisses populaires et les gouvernements

Des fonds régionaux d’investissement dans le développement économique et communautaire sont en voie d’être créés à l’échelle nationale (selon le modèle de la Nouvelle-Écosse)

Rec. 3 Nouveaux instruments d’investissement d’impact

Créer des obligations et des instruments équivalents à des obligations

Provinces

Établissements financiers

Le Centre for Social Innovation est un chef de file pour apporter des clarifications sur la réglementation des obligations communautaires et plusieurs obligations communautaires sont en voie de développement (p. ex. CSI Annex. YWCA, ZooShare, Solar Share, etc.

Rec. 4 Actifs de caisse de retraite

Exiger des caisses

de retraite qu’elles divulguent leurs pratiques d’investissement responsable, clarifient leurs obligations

fiduciaires à cet égard et offrent des mesures d’encouragement à l’investissement

Caisses de retraite

Administration fédérale

Recommandation : Élaborer une stratégie pour engager les intervenants à cet égard

Rec. 5 Cadre réglementaire

Moderniser le cadre actuel des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif et envisager des modes légaux hybrides.

Administration fédérale et provinces

SIG@MaRS dirige la recherche sur la législation favorisant l’élaboration de sociétés bénéfiques au Canada

Rec. 6 Mesures d’encouragement fiscal

Mettre sur pied un groupe de travail sur les questions fiscales pour encourager les investisseurs privés à offrir les capitaux à coût plus bas et les capitaux patients

Administration fédérale et provinces

Recommandation : Mettre sur pied un groupe de travail multisectoriel en faisant intervenir l’administration fédérale et les administrations provinciales et territoriales, ainsi que les secteurs des finances et de l’entreprise sociale

Rec. 7 Programmes de développement des entreprises

Élargir les critères d’admissibilité aux programmes gouvernementaux de manière à inclure explicitement l’entreprise sociale

Administration fédérale, provinces

Entreprise sociale

Le ministère de l’Innovation de l’Ontario, Aide au développement des collectivités, Enterprising Nonprofits et Imagine canada font tous de la recherche sur les critères d’admissibilité au service consultatif des entreprises sociales

Leadership en investissement d’impact et développement du marché canadien

Harmoniser les initiatives actuelles en leadership et mettre en place un noyau de connaissances et un point central où peuvent se rencontrer les partenaires nationaux, mondiaux et locaux

MaRS

Fondations

Administrations fédérale et provinciales

MaRS a élaboré le plan d’activités d’un centre pour les investissements d’impact et lève activement des fonds pour soutenir les opérations; l’initiative devrait voir le jour à l’automne 2011

 



[1] Voir la page 5 où est expliquée l’évolution des initiatives du Groupe d’étude canadien sur la finance sociale

[2] Résultats préliminaires de la Social Impact Sector Survey, Boston Consulting Group, 2011. (Ventilation : secteur quasi-gouvernemental, 135 milliards de dollars; organismes de bienfaisance, 65 milliards de dollars; organismes sans but lucratif produisant des recettes, 30 milliards de dollars; entreprise à but social, 2-3 milliards de dollars; programmes de responsabilité sociale d’entreprise, 2 milliards de dollars)

[3] « La mobilisation de capitaux privés pour le bien collectif », Groupe d’étude canadien sur la finance sociale, 2010

[4] Liens vers les rapports d’accompagnement : Mowat, Partnership Project, Task Force on Social Finance

[5] Le Groupe d’étude canadien sur la finance sociale est composé de dirigeants d’entreprise, de politique publique et d’oeuvres caritatives qui se soucient du manque de capital disponible pour répondre aux besoins sociaux pressants. Il est composé, notamment des personnes suivantes : la présidente, Lise Treurnicht (PDG, MaRS), les membres Tim Brodhead (ancien président, Fondation de la famille J.W. McConnell) Nancy Neamtan (présidente, Chantier de l’économie sociale), Tamara Wrooman (PDG, Mancity), Bill Young (président, Social Capital Partners), Sam Duboc (fondateur, Edgstone Capital), Tim Jackson (vice-président, Université de Waterloo), le Très honorable Paul Martin, Reeta Roy (PDG, MasterCArd Foundation), Stanley Hartt (président, Macquarie Capital Canada).

[6] Consultez le dernier rapport du gouvernement du R.-U. sur l’investissement social, « Growing the Social Investment Market: A vision and strategy », 2011.

[7] En 2009, le Comité permanent des finances a recommandé la création d’une structure corporative pour les organismes sans but lucratif qui permettrait l’émission d’un capital social et d’autres valeurs; dans le budget fédéral de 2011, le gouvernement a reconnu le Groupe d’étude canadien sur la finance sociale en affirmant : « Ce dernier étudiera des moyens d’avoir recours au capital de risque social grâce à des partenariats innovateurs lorsqu’il pourra être démontré que ces partenariats génèrent des économies tout en maintenant ou en augmentant les niveaux de prestation de services. »